La charge mentale : un poids invisible pour les auto-entrepreneurs
- marionlenoircontac
- 17 déc. 2024
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 déc. 2024
Retour d'une jeune entrepreneuse
Il y a déjà deux ans et demi, j’ai créé ma société et me suis officiellement lancée en tant qu’auto-entrepreneuse. Ce fut une étape marquante de ma vie, une décision mûrement réfléchie qui m’a offert une grande liberté, mais aussi son lot de défis.
Aujourd’hui, je ne vais pas vous parler en détail de l’évolution de ma société — ce serait bien trop long — mais plutôt d’un aspect précis et essentiel de la vie d’un entrepreneur : la charge mentale.

Qu’est-ce que la charge mentale
La charge mentale peut être définie comme « l’effort constant de ne pas oublier les événements, les informations importantes, tout en prenant soin des autres et en jonglant avec les responsabilités tout au long de la journée ».
Dans mon quotidien, cette notion prend une place cruciale, voire envahissante. Et c’est précisément pour cela qu’on parle de charge : elle pèse sur nos épaules, souvent sans qu’on s’en rende compte immédiatement.
Il m’a fallu plusieurs mois, et surtout plusieurs blessures physiques pour en prendre pleinement conscience.
La perception extérieure versus la réalité
De l’extérieur, je comprends que cette charge puisse paraître difficile à imaginer.
En tant que professeure de yoga et praticienne en massages bien-être, beaucoup pensent que mon quotidien est léger, presque idyllique, et c'est là que la charge mentale est un poids invisible pour les auto entrepreneurs.
On s’imagine que je donne mes cours, que je masse mes clients, et qu’en dehors de ça, je profite d’un emploi du temps flexible. Après tout, je peux faire mes courses à 10h30 ou prendre un rendez-vous en pleine semaine à 15h.
Mais cette liberté apparente cache une réalité bien plus complexe. Être à son compte, ce n’est pas seulement exercer son métier. C’est aussi endosser toutes les casquettes nécessaires pour faire tourner une entreprise :
Émettre des factures et gérer la comptabilité.
Remplir les déclarations administratives (URSSAF, impôts, etc.).
Rédiger des devis et suivre les paiements.
Communiquer pour se faire connaître, entretenir sa visibilité et créer un lien avec sa clientèle.
Répondre à une multitude de sollicitations : e-mails, messages, appels…
Et plus votre activité se développe, plus ces tâches annexes se multiplient.
De la passion à la surcharge
Quand j’ai commencé, je donnais trois cours de yoga par semaine. Aujourd’hui, j’en anime seize. Chaque cours accueille en moyenne quinze personnes. Faites le calcul : cela représente une cinquantaine de messages, demandes ou questions à traiter chaque semaine, rien que pour les cours. Et cela, sans compter les massages, les nouvelles demandes de clients, ni les imprévus du quotidien.
Petit à petit, cette sollicitation constante s’est transformée en surcharge. Car en plus de mes prestations, je dois continuer à gérer toutes les tâches administratives et organisationnelles liées à mon activité.
Mais soyons honnêtes : l’erreur vient en grande partie de moi.
Je suis quelqu’un qui a du mal à fixer des limites. J’ai tendance à vouloir toujours faire plus, faire mieux, et arranger le maximum de personnes. Mais c’est une mission impossible.
Il y a autant d’attentes que d’élèves : des goûts, des envies, des besoins différents. Alors, sans m’en rendre compte, je me suis piégée moi-même.
Les groupes WhatsApp : le début de la bascule
Pour faciliter la communication avec mes élèves, j’ai créé des groupes WhatsApp pour chacun de mes cours. L’idée semblait bonne : connaître les présences et absences de chacun, et pouvoir les prévenir en cas d’imprévu de mon côté.
Puis, j’ai voulu aller plus loin. En fin d’année dernière, j’ai proposé des sondages pour recueillir leurs retours et améliorer mes cours. Sur le papier, c’était une excellente initiative : offrir un espace d’expression et montrer que je suis à l’écoute. Mais à vouloir trop bien faire, j’ai ouvert une porte que je ne pouvais plus refermer.
Changer pour plaire à tout le monde : une erreur coûteuse
Suite aux retours des sondages, j’ai décidé d’adapter mes cours. Sur ceux où j’avais le plus de flexibilité, j’ai instauré un roulement : changer de style de pratique toutes les quatre semaines pour offrir une expérience plus variée et satisfaire un maximum de personnes.
Je me suis aussi mise à publier des plannings détaillés chaque mois, précisant le style de yoga proposé chaque semaine. Sur d’autres cours, j’ai ajouté des sondages permettant aux élèves de permuter leurs places. Tout cela dans l’idée de rendre mes cours plus attractifs, plus inclusifs, plus… parfaits.

Quand l’humain complique tout
C’est là que tout s’est compliqué. Dès que l’humain entre en jeu, les choses deviennent naturellement plus complexes.
Chaque élève arrive avec ses attentes, ses préférences et ses ressentis. Certains aimeraient une pratique très spécifique et ont du mal à s’adapter à des variations. D’autres trouvent les exercices de respiration difficiles ou peu engageants. Et, étonnamment, il y en a même pour qui le savasana est perçu comme une perte de temps.
Ces différences, bien qu’enrichissantes, peuvent parfois être difficiles à gérer. Il est parfois compliqué de ne pas se laisser affecter par les frustrations ou les retours moins positifs.
Heureusement, la reconnaissance et la bienveillance de beaucoup de mes élèves restent une source précieuse de motivation et de réconfort. C’est ce qui me permet de garder le cap.
Un reset nécessaire : redémarrer pour mieux avancer
Malgré tout, je ne veux pas sacrifier la qualité de mes cours. J’estime que certaines initiatives ont porté leurs fruits et méritent d’être poursuivies. Mais pour d’autres, il est temps de les réorganiser, de prendre du recul, et d’opérer un véritable reset.
C’est comme un ordinateur qui a planté : il faut l’éteindre, puis le redémarrer pour qu’il fonctionne à nouveau correctement. Dans ce cas précis, l’ordinateur, c’est moi.
Les signaux d’alerte : quand le corps et l’esprit disent stop
Petit à petit, je me suis enfermée dans un cercle vicieux. Je vivais presque exclusivement pour mon travail, sans plus aucun temps pour moi. Mes journées s’étiraient sur 11 heures, six jours sur sept. Et même lorsque je ne travaillais pas, mon esprit restait bloqué sur mes tâches en cours ou à venir.
Cette charge mentale constante m’a rendue anxieuse en permanence. Je ne pouvais jamais vraiment déconnecter, jamais vraiment respirer (le comble pour une prof de yoga).
Puis mon corps a commencé à me rappeler à l’ordre. Les larmes de fatigue sont devenues une habitude presque quotidienne. Les douleurs chroniques au dos, les lumbagos qui ne passaient pas… Tout cela était autant de messages clairs : je tirais trop sur la corde, et elle était sur le point de casser.
Mais voilà : ce que je raconte ici, je le vis encore.
Ces moments que je décris, je suis en plein dedans au moment où j’écris ces lignes. Rien n’est encore réglé. C’est précisément pour cela que, pour cette nouvelle année 2025, j’ai décidé de faire de reset mon mot d’ordre.
Attendez-vous à quelques changements : des ajustements nécessaires pour que je retrouve enfin cet équilibre entre ma vie privée et ma vie professionnelle.

© Photographies par Chloé Coislier
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